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Le carnet

Quand le fisc réclame par erreur 18 millions d'euros à une PME

9 Avril 2015 , Rédigé par Ian Hamel Publié dans #Politique

Un chef d'entreprise s'est battu pendant presque cinq ans contre un redressement fiscal absurde. Il attend toujours des excuses de la part des impôts.

Antoine Boyer, directeur de la société GSX, victime du fisc français. © DR

Antoine Boyer, directeur de la société GSX, victime du fisc français. © DR

Qui pourrait imaginer qu'une vendeuse en pâtisserie à la retraite ne parlant pas anglais et sans connaissance informatique puisse diriger une société éditrice de logiciels ? Un inspecteur du fisc à Nice. Cet inspecteur, pourtant, n'a même pas pris la peine d'interroger la brave dame. Cela ne l'a pas empêché d'infliger un redressement fiscal de 18 millions d'euros à GSX, une entreprise qui ne réalise que six millions de chiffre d'affaires. Il a fallu presque cinq ans à Antoine Leboyer, un ingénieur français diplômé de Harvard, pour faire entendre raison à Bercy.

L'histoire peut se résumer ainsi : en 2008, Antoine Leboyer rachète GSX, une société informatique située à Genève. L'ancien propriétaire, également de nationalité française, avait ouvert une filiale à Nice, GSX Groupware Solutions, propriété à 100 % de GSX. La raison ? Il possède des attaches dans cette ville, sa mère a été vendeuse dans une pâtisserie. Cela suffit-il pour que les services fiscaux français croient déceler dans l'opération une fraude gigantesque ? En avril 2010, des inspecteurs des impôts débarquent en force dans les locaux de la filiale niçoise, accompagnés d'un gendarme armé. Ils saisissent des kilos de documents et perquisitionnent la maison de campagne de l'ancien propriétaire de GSX et la propriété de ses parents !

Pas la moindre discussion technique

Le fisc décrète que c'est cette vendeuse à la retraite qui dirige l'entreprise informatique et que le siège à Genève est "totalement dépourvu de moyens d'exploitation". En juin 2011, les impôts infligent à Antoine Leboyer un redressement de 18 millions d'euros. De plus, ils demandent à la justice de bloquer les comptes de l'entreprise et recommandent aux clients de GSX de ne plus payer leurs factures ! En clair, c'est une condamnation à mort. "Depuis 2010, j'ai eu une quinzaine d'interlocuteurs, mais aucun n'a souhaité engager la moindre discussion technique pour justifier un tel redressement. Personne n'écoutait mes explications ni ne consultait mes documents", dénonce Antoine Leboyer.

En d'autres termes, les impôts exigent qu'il verse 18 millions d'euros sans daigner se livrer à la moindre analyse fonctionnelle. "Alors que j'habite en Suisse avec ma famille, que j'en ai apporté la preuve, que j'assume la direction de GSX dans tous ses aspects ainsi que ses activités opérationnelles, conception des produits, développement produit, marketing, commercial, le service du contrôle fiscal à la Direction générale des finances publiques à Bercy continuait d'affirmer que le pouvoir était détenu par Nice."

"On m'a pourri la vie"

L'ingénieur Supélec, aujourd'hui âgé de 53 ans, va alors consacrer la moitié de son temps à se défendre, au détriment du développement de son entreprise et de sa famille, et perdre une partie de ses cheveux. Heureusement, il rencontre Marie-Pascale Antoni, directrice des affaires fiscales du Medef, l'organisation patronale, qui confirme en un tour d'horloge que le fisc s'est planté. Les 150 pages rédigées par les impôts ne tiennent pas la route. Quant à Claudine Schmid, députée UMP des Français de Suisse, elle intervient auprès de Bernard Cazeneuve, alors ministre délégué au Budget. Antoine Leboyer est finalement appelé à témoigner le 8 juillet 2014 devant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'exil des forces vives de France.

Finalement, Bercy cède, admet qu'il n'y a plus rien à Nice depuis son arrivée à la tête du groupe, et ne lui réclame plus que... 800 000 euros, pour mettre fin à "cinq ans d'enfer". "On m'a pourri la vie, bloqué le développement de ma société qui devait recruter du personnel, notamment en France. Bien évidemment, je n'ai pas reçu la moindre excuse, et on refuse de me recevoir et de répondre à mes courriers. Étonnez-vous ensuite que les chefs d'entreprise ne veuillent plus investir en France. Depuis que j'ai parlé haut et fort, de nombreux dirigeants m'ont contacté pour me dire qu'ils avaient vécu une expérience similaire", lâche Antoine Leboyer, installé dans le centre de Genève, boulevard Helvétique, ça ne s'invente pas.

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